Exposition I'LL BE YOUR MIRROR, Galerie L'oeil Histrion, Caen, du 15 Janvier au 20 Mars 2021
Juste avant que l’on nous reconfine pour la troisième fois, l'équipe de VOAR a eu le temps de s’inviter au finissage de la très belle exposition de Samuel Martin : " I'll be your mirror " à la galerie L’Œil Histrion dont la ligne est brillamment affûtée depuis plusieurs années par Jean-Michel Pinchon.
Nous y avons rencontré un artiste doté d’une très belle énergie, qui nous a fait voyager dans son univers le temps d’un verre de vin (à 17h certes, mais c’était le premier partagé à l’occasion d’une exposition depuis des mois et ça nous manquait !).
Samuel Martin vit et travaille à Pont-Audemer, une charmante ville de l’Eure que l’on nomme souvent " La Venise Normande ", ce qui est assez drôle puisque l’aura des grands maîtres italiens se fait ressentir au sein même de sa pratique du dessin.
Sa technique du fusain est impressionnante de maîtrise, les modelés sont fondus subtilement, les lignes sont élégantes, les noirs sont profonds. Tout oscille entre douceur et étrangeté dans un clair-obscur tellement affirmé que Samuel Martin nous sort du classicisme habituel pour réinventer les codes du figuratif en noir et blanc. Les personnages de ses scènes sont parfois masqués, parfois à visages découverts. C’est assurément un travail sur le corps, sur ses transformations et ses évolutions dans l’imagerie populaire au fil des années.
Dans sa série " Yes Future ", il représente des hommes et des femmes dénudés et souriants dans des décors apocalyptiques faits de maisons et de voitures en proie aux flammes. Le contraste entre la violence des arrières plans et l’insouciance visible des figures au premier plan, participe à l’impression de décadence maîtrisée.
Pour composer cette série, il s’est inspiré de certains catalogues des années 70 où l’on peut voir des personnages à la nudité décomplexée dans des décors improbables. Ainsi il soustrait des figures d’un autre temps à une quelconque forme de réalité et réussit à faire émerger un sentiment profond de nostalgie et de tendresse.
Mais l’apparente fixité des images n’est qu’une illusion car plus l’on se rapproche du format, plus les corps semblent animés d’une pulsation de vie, comme dans la série " JK " ou l’on pourrait presque sentir les battements de cœur ou le flux sanguin de l’homme et de la femme enlacés. C'est sûrement grâce au fait que l'artiste invite aussi des modèles vivants à l'atelier pour composer ses images. Il donne une grande liberté de mouvement et de pose aux modèles, travaille patiemment ses éclairages, procède à des superpositions mentales et c’est justement ce sens du détail qui fait sens dans les œuvres de Samuel Martin.
Les habits sont souvent les mêmes d’images en images, des " accessoires présents dans l’atelier comme les masques ou les tissus " relient les dessins entre eux, comme dans les séries " Anna " et " Elli ". Ces objets récurrents fabriquent un scénario. Les cadrages sont souvent des plans rapprochés ou des plans " taille ". Mais ses images vont au delà du pur aspect " cinématographique " tant les assemblages convergent vers l’esthétique de certaines séries d’horreur très en vogue actuellement. C’est ce qui place son approche dans une figuration extrêmement actuelle.
Pas besoin d’être un expert en art contemporain pour saisir toute la force narrative se dégageant des œuvres de Samuel Martin. Elles s’inscrivent dans un retour au figuratif flamboyant, qui tord la réalité, qui entraîne dans une dimension où la fiction est découpée, où la nuit se fait tranchante et bizarre mais sans jamais provoquer ni angoisse ni peur. Ainsi, l’univers de Samuel Martin relève d’avantage de l’étrange que de l’effrayant.
Exposition L.A.Galerie, Eu dans le cadre du dispositif DE VISU Du 15 novembre au 15 Décembre 2021
Samuel Martin construit une oeuvre exigeante utilisant le médium du dessin et de manière privilégiée, le fusain.
Sa maîtrise du médium lui a permis de réaliser des oeuvres graphiques qui allient des sources d'inspiration liées à l'histoire du cinéma, des photographies de magazines des années 60 mais aussi des représentations photographiques de ses proches.
Dans notre monde saturé d'images, que peut-encore le dessin? que peut-nous dire du réel cette technique di fragile, si datée pour certains?
A l'aide d'un médium et d'une technique classique, il bouscule les codes établis par un art contemporain se voulant en phase avec son époque mais devenu au combien classique dans ces processus devenus convenus et prévisibles.
Je le cite "mes grands formats se lisent comme des images extraites d'un film. Le spectateur est placé en en situation de voyeur ou de témoin. Que se passe-t'il? comment interpréter la tension de la scène?"
Car c'est sur et avec la représentation d'images sur-représentées qu'il travaille comme un orfèvre. Contrariant Walter Benjamin qui dénonçait la perte de l'aura de l'œuvre du fait de sa reproductibilité mécanique, avec l'avènement de la photographie, Samuel Martin recompose les images dites surexposées par leurs sur-représentations dans les médias par une mise au noir vertueuse grâce à une technique éminnement vertueuse qu'il maitrise totalement.
Il assemble, réalise des collages graphiques faisant se superposer des stimulis visuels, des images d’origine éloignées pour certaines dans des mises en abime inquiétantes.
Cet Umheimlich, cette inquiétante étrangeté, concept développé par Sigmund Freud nous rappelant, le concept de sublime, développé par Edmund Burke, dans son ouvrage Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau paru en 1757, s’opposant au beau classique, il développe une pensée de la représentation et distingue le beau du sublime, le beau est, d'après Burke, ce qui est bien fait et qui a une esthétique plaisante ; le sublime quant à lui a un pouvoir sur l'homme et peut le détruire
Les oeuvres de Samuel Martin joue constamment sur la crête de notre faculté de jugement, il nous met face à nos contradictions, comment vivre dans une société qui ne hiérarchise plus l’image, qu'il ne cherche plus à la décoder, inonder que nos yeux sont chaque jour, par ce déferlement d’images?
Il crée des oeuvres d’une grande théâtralité, inspirées des maitres classiques comme Le Caravage, dont il maitrise comme lui le clair-obscur.
L’image photographique, d’autant plus dématérialisée depuis qu’elle est numérique, retrouve un velouté, une densité, une matérialité, abandonnant son statut de simulacre cher à Jean Baudrillard pour acquérir une quasi-corporalité.
Samuel Martin n’est pas dupe de la galaxie trompeuse d’informations dans laquelle nous évoluons, il ne cesse de mettre et de retirer les masques sur ce réel qui nous apparaît que sous forme d’artefacts numériques.
Une oeuvre qui génère un champ de problématique en phase avec ce réel dont on ne sait si nous nous en sommes éloignés ou si nous nous en sommes rapprochés avec la pandémie. Une oeuvre fort à propos pour des élèves qui s’apprêtent à envisager des études supérieures. Qui leur permettront d’apprendre à regarder les flots d’images qui les absorbent avec un oeil critique et cultivé.
Exposition YES FUTURE à la Galerie ALB à Paris, du 6 septembre au 9 octobre 2012
De prime abord, de par leurs dimensions, les dessins de Samuel Martin n’ont rien de spectaculaires, au contraire, ils ont la taille de l’intimité. Première impression corroborée par l’amusante nonchalance des groupes de jeunes gens nus qui posent pour l’artiste. Les scènes évoquent les vacances, la plage, la bonne humeur et le soleil, un couple danse, d’autres posent frontalement, une femme montre fièrement la peinture qu’elle est en train d’esquisser, on gambade, on crâne, on s’amuse. Certains visages sont légèrement crispés, juste ce qu’il faut pour indiquer la connivence entre l’artiste et ses modèles. On se dit qu’à l’instant d’après tous ont éclaté de rire.
Le reste des dessins, l’environnement où se donnent à voir les personnages, est tout autre. Des maisons brûlent, des voitures ont été renversées, ces moments de rigolades sont en fait entourés de catastrophes.
Dans Yes future 8, cinq personnages participent à cette étrange mise en scène. Ils nous font face, nus et animés par un léger swing, l’un d’entre eux tient une guitare, les autres claquent des doigts. Nul ne s’enquiert du bus ravagé et du paysage désolé qui les entourent.
Comme dans les autres œuvres de cette série, les corps sont offerts avec autant de simplicité et de naïveté que le désastre tout autour est dépeint avec la minutie d’un journal télévisé. L’ironie est à son comble, et pourtant la résistance qu’oppose le petit groupe est réjouissante. Elle l’est d’autant plus qu’elle peut être comprise dans une filiation plus large. En effet, la composition, et divers éléments de cette œuvre, la lie avec Large Interior W11 (after Watteau) de Lucian Freud, et donc avec le Pierrot content de Watteau qui en inspira la création. On retrouve le même plan large sur un groupe de personnes, les mêmes jeux de regards qui ne se croisent pas, la même impression de lassitude malgré la musique qui semble égayer l’instant. Chez Watteau, tout peut encore arriver, Pierrot est content. Chez Freud, le désœuvrement a atteint les protagonistes, l’intérieur est vétuste, le temps a passé.
Chez Samuel Martin, c’est un ouragan qui est passé par là, mais il est désormais derrière. D’une œuvre à l’autre, les personnages n’ont guère bougé, ils ont beau être nu, patauger dans la gadoue, ils n’en restent pas moins les symboles du spectacle qui continue pour nous tous les matins.
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